Multicloud et supercloud
Le supercloud est-il la prochaine étape de l’évolution du cloud computing ?
23 févr. 2023
De plus en plus d’entreprises accèdent aux ressources de divers fournisseurs de services de cloud computing via Internet. Il est donc d’autant plus surprenant que les analystes de marché de Gartner estiment que les trois quarts des entreprises qui se sont engagées dans le cloud computing réfléchissent à des alternatives. Pourquoi ? Parce que les responsables informatiques se plaignent de plus en plus de la complexité et du coût du transfert des données d’un cloud à l’autre.
Il est question ici de multicloud. Dans le cas du multicloud, une organisation utilise des services de cloud computing et de stockage de différents fournisseurs de cloud dans une seule architecture hétérogène. Un cloud hybride peut également devenir un multicloud si l’entreprise combine des ressources de cloud local (cloud privé) avec plusieurs services de cloud public (cloud public). C'est là que réside le problème : Intégrer les services de plusieurs fournisseurs de cloud et de clouds privés est un défi de taille, notamment parce que les clouds agissent comme des silos plus ou moins interopérables.
« La perspective de devoir gérer simultanément des centres de données sur site, de migrer vers un cloud public et puis de fournir en plus du personnel redondant pour deux ou plusieurs clouds supplémentaires est le meilleur moyen de créer de la frustration et de la déception », affirme Dr. Tim Wagner, CEO de Vendia. Il en conclut : « Malgré les nombreux avantages, la plupart des entreprises ne parviendront pas à mettre en place une stratégie multicloud viable dans un avenir proche ». Elle est « tout simplement trop coûteuse et trop complexe. »
Le concept de super-cloud computing – appelé supercloud – devrait désormais remédier à cette situation. Elle représente une architecture informatique qui intègre tous les modèles de services : Infrastructure-as-a-Service (IaaS), Platform-as-a-Service (PaaS) et Software-as-a-Service (SaaS). L’objectif est de créer un nouveau type de plateforme qui permette à une entreprise de libérer toutes ses données – y compris celles sur site et celles provenant de la périphérie – de leur lien avec un collaborateur, une application, un serveur ou justement un cloud, et de les intégrer dans « un ensemble plus vaste ». « Le supercloud offre une architecture unifiée pour la gestion de toutes les données, charges de travail et services », explique Paul Salazar, directeur principal Europe centrale chez Couchbase. « Cela réduit la complexité, accélère le développement des applications et facilite l’exploitation informatique sécurisée. »
Sachchidanand Singh, analyste chez IBM en Inde, atteste que l’architecture supercloud a un grand potentiel. Elle facilite notamment la migration des applications à travers différentes zones de disponibilité et différents fournisseurs de cloud; elle offre des interfaces pour l’attribution, la migration et l’arrêt des ressources telles que les machines virtuelles et le stockage; elle constitue un réseau homogène pour relier ces ressources entre elles; et elle offre une expérience transparente à travers les clouds et les centres de données locaux. En bref : « Elle facilite la vie des développeurs et des utilisateurs finaux. »
Tim Wagner préconise de miser directement sur le supercloud plutôt que sur le multicloud, afin de créer – toujours selon les mots de Singh – « un niveau d’abstraction et d’automatisation qui puisse éliminer la complexité du multicloud. » Pour John Graham-Cumming, directeur technique de la société Cloudflare, une telle solution est depuis longtemps une réalité : « Un traitement et un stockage efficaces, un réseau mondial présent partout où des personnes ont besoin d’y accéder, connecté par des logiciels qui transforment le monde en un cloud unique ». C’est déjà ça, le supercloud, dit-il.
Tous les observateurs du marché ne voient pas les choses comme lui. Pour Ned Bellavance, blogueur informatique et fondateur de Cloud LLC, « Supercloud » n’est d’abord qu’un terme de marketing. David Vellante, co-CEO de SiliconANGLE Media et analyste en chef de The Wikibon Project, voit dans des entreprises comme Walmart, Azure, CapitalOne et Goldman comme au moins « des exemples précoces de clouds industriels qui finiront par devenir des superclouds ». Il parle de « devenir », car les solutions mises en œuvre dans ces entreprises « ne sont peut-être pas toutes inter-cloud aujourd'hui (...), mais le potentiel est là. »
Pour Devis Lussi, CTO de l’entreprise FinTech suisse Yokoy, le supercloud est aussi clairement une tendance. Mais il tempère les attentes trop élevées : « Malheureusement, construire un supercloud est plus facile à dire qu’à faire, et la plupart des entreprises ne sont pas des hyperscaleurs ayant l’argent et les ressources nécessaires. Pire encore, un déficit de compétences prononcé dans le nouvel ordre du cloud empêche les entreprises d’atteindre leurs propres superclouds. »
En d’autres termes : Le supercloud est peut-être sur toutes les lèvres, mais il se fait encore attendre.